Pedal Steel Guitar : l’art du glissé infini et des open tunings modulables
Avec ses cordes tendues à plat et ses pédales chromatiques, la Pedal Steel Guitar est bien plus qu’un instrument : c’est une machine à émotion. Héritière du lap steel hawaïen, elle est devenue le symbole sonore du country, du jazz et du rock atmosphérique.

Des plages d’Hawaï aux routes du Texas
L’histoire de la Pedal Steel commence à Hawaï, avec la lap steel inventée dans les années 1910. Des musiciens comme Sol Ho‘opi‘i ou Jerry Byrd introduisent le jeu au bottleneck, popularisant le son glissé qui fera plus tard la signature du country.
Dans les années 1950, des ingénieurs ajoutent des pédales et leviers mécaniques pour modifier la hauteur des cordes en temps réel — donnant naissance à l’instrument mythique de la musique américaine moderne.
Structure et mécanique
- 10 cordes (ou 12 sur certains modèles étendus).
- 2 manches (E9 et C6), chacun accordé différemment.
- 8 pédales et 4 leviers agissant sur les tirants de cordes.
- Jeu horizontal, avec un steel bar pour le glissé et des fingerpicks pour la précision.
C’est une véritable machine à modulation : chaque pédale permet de passer d’un accord à un autre sans lever le doigt.
Les deux accordages rois : E9 et C6
Accordage Nashville E9 (le plus courant)
E9 → B D E F# G# B E G# D# F#
Idéal pour les lignes expressives, les glissés lyriques et les harmonies country. Les pédales changent instantanément les intervalles (tierces ↔ quinte, sixte ↔ septième).
Accordage Jazz C6 (modes et extensions)
C6 → C E G A C E G A C E
Plus proche du piano harmonique : on y joue des accords enrichis, des voicings jazz, et des modulations continues sans rupture de sustain.
Certains modèles modernes combinent les deux accordages sur un même instrument (“Double Neck”), offrant un spectre harmonique infini.
Le jeu entre glissé, pédales et vibration
Le musicien contrôle simultanément le bar, les pédales, le volume et les doigts. Ce jeu multitâche donne naissance au fameux “crying tone” — un son chantant, presque humain.
L’absence de frettes visibles et la mobilité des pédales exigent une oreille parfaite : on accorde à l’écoute, comme sur les instruments à cordes indiens.
La steel devient alors une école de patience et de précision : chaque micro-glissé est un mot, chaque vibration une émotion.
De la Pedal Steel à la guitare moderne
La Pedal Steel a influencé des générations de guitaristes : de David Gilmour à Jeff Beck, jusqu’à Daniel Lanois ou Ben Harper.
Sur guitare, on peut en retrouver l’esprit en :
- utilisant un Open E ou Open D avec bottleneck ;
- jouant avec un volume swell (potentiomètre ou pédale) ;
- superposant delay et reverb pour recréer le sustain infini.
Le son “steel” n’est pas qu’une couleur : c’est une philosophie du glissé, une continuité sonore ininterrompue.
Modernité et héritage
Des luthiers comme ZumSteel, Mullen ou Excel ont perfectionné la mécanique des pédales, tandis que des artistes comme Robert Randolph ont porté la Pedal Steel dans le rock et la soul.
Certains modèles hybrides — lap steel MIDI ou pedal steel numérique — repoussent désormais les limites du sustain et du contrôle harmonique.
Ressources Guitar Social Club
Le glissé comme langage
La Pedal Steel incarne le rêve ultime du guitariste : ne jamais rompre la ligne du son. Son accordage n’est pas fixe, son expression est infinie. Et dans cette fluidité, on retrouve l’essence même de la musique : une vibration continue entre tension et repos.