The Beatles
Le son, la foi et la révolution pop.
« Quatre garçons de Liverpool ont appris au monde entier qu’une guitare pouvait changer une époque. »
Liverpool, 1950. Une ville qui respire la suie et le sel, les docks saturés d’humidité et de rêves. Là-bas, dans les rues de la reconstruction, certains ramassent un ballon, d’autres une guitare. John Lennon, lui, choisit la guitare comme on choisit une arme : sans certitude, mais avec une oreille qui distingue l’authentique du décor.
Dans les pubs de quartier, on chante du skiffle, mélange de blues américain et de folk anglais, avec des guitares bon marché et des washboards bricolés. La pauvreté invente le son, le manque fait jaillir l’idée. John, Paul, George, et plus tard Ringo ne savent pas qu’ils vont bouleverser le monde : ils veulent juste que le monde les entende.
Le vent de Liverpool
Le vent porte Chuck Berry, Elvis, les harmonies des Everly Brothers. Ces disques traversent l’Atlantique et deviennent des promesses de liberté. Dans ce vent, le feu prend.
À la fin des années 50, les jeunes se forgent un langage : trois accords de blues pour parler de tout — amour, rage, foi, manque. La grammaire d’une génération.
Les premiers éclats
Lennon découvre le rock sur une guitare d’occasion, cordes tordues, caisse fendue. Il joue, rejoue, casse des médiators. Paul arrive — précis, instinctif, fondé sur l’émotion. L’un a le feu, l’autre la lumière.
Ensemble, ils comprennent vite : la musique n’est pas un refuge, c’est une transformation. Elle prend la douleur et la retourne en chanson. Leur manière de survivre — puis de régner.
La naissance d’un mythe
Les Quarrymen reprennent Elvis et Buddy Holly. Paul rejoint, puis George. Trois guitares, une voix, une foi. Le son se modèle dans la poussière : doigts qui deviennent phrases, fatigue qui devient groove.
Liverpool, un état d’esprit
Ville-frontière ouverte aux musiques noires américaines, Liverpool donne au rock une voix anglaise plus rugueuse et tendue. Les Beatles naissent de ce brassage : misère et grâce, solitude et excès.
Une révolution intime
Dans la chambre de Lennon, les premières chansons prennent forme. Pas encore l’Histoire — juste la vie, enregistrée sur des cordes fatiguées. La musique peut tout changer si elle vient du cœur.
L’apprentissage du feu (1957–1962)
La rencontre à Woolton
Été 1957. Les Quarrymen jouent, Paul observe, puis rejoue mieux ce qu’il vient d’entendre. Déclencheur : deux tempéraments contraires s’équilibrent — Lennon l’instinct, McCartney la mélodie.
Hambourg : la forge du son
Contrat en Allemagne. Six heures par nuit, fatigue, tempo tenu coûte que coûte. George (17 ans) affûte son jeu, Lennon crache ses mots, Paul relie le tout. Le rock n’est pas un style : c’est une manière d’habiter la nuit.
Le retour à Liverpool
Le Cavern Club s’embrase, Brian Epstein structure, George Martin écoute et catalyse. Naît une méthode : discipline + audace.
Le son des origines
Guitares Höfner/Gretsch, amplis Vox poussés, voix mêlées sans filtre. Équilibre entre saturation et pureté — empreinte inégalée.
Les premiers éclairs de composition
“Love Me Do”, “Please Please Me”, “I Saw Her Standing There”. Lennon se confesse, McCartney polit. Le local devient miroir d’une génération.
De la cave à la lumière
1962 : “Love Me Do” entre dans les charts. Quatre enfants de la pluie — et une vague mondiale qui monte.
La Beatlemania et la perte du silence (1963–1966)
Le monde découvre quatre visages
1963 : premier album en une journée à Abbey Road (14 titres / 13 h). Le pays entier fredonne le lendemain. Fraternité vocale, organisme à quatre têtes.
Les cris du monde
La Beatlemania rend les concerts quasi inaudibles. Les amplis AC100 saturent, les micros larsènent. On joue par réflexe, au ressenti du plancher.
Les tournées, l’épuisement et le repli
États-Unis, Japon, Australie… Les avions deviennent chambres. Dans les hôtels, Lennon/McCartney composent sur des Gibson J-160E. “Yesterday”, “Help!”, “Michelle”.
“Help!” — un cri en chanson
Sous l’apparente légèreté, la détresse de Lennon. Pop-machine → introspection. Le groupe joue pour se comprendre.
“Yesterday” — la blessure douce
Rêvée par McCartney. Guitare + quatuor à cordes. Le rock apprend le silence. Des milliers de guitaristes débutent sur ses 4 accords.
Rubber Soul — la mue spirituelle
Dylan, sitar, poésie. “Norwegian Wood” ouvre la voie. Charnière vers “Revolver”, “Sgt. Pepper”, “Abbey Road”.
La fin du vacarme
1966 : fin des tournées. Le studio devient sanctuaire. Le silence redevient précieux.
Les concerts et la scène mythique (1964–1969)
Ed Sullivan Show : l’étincelle américaine
9 février 1964 : 73 millions de téléspectateurs. En quelques minutes, la jeunesse mondiale se met à la guitare. Vox et Rickenbacker deviennent des talismans.
Les tournées planétaires : le vacarme sacré
1965–1966 : marées humaines, hurlements. Ringo garde le tempo au regard des épaules de Paul. La musique se dissout dans le mythe.
Get Back : la dernière montée
30 janvier 1969, rooftop d’Apple Corps : gants de laine, vent froid, joie simple. Les policiers montent, la musique s’arrête sur une note suspendue. Lennon : « J’espère qu’on a passé l’audition. »
L’art du studio (1966–1969)
Abbey Road : sanctuaire du son
Le studio devient monastère sonore : on ne joue plus pour être vus, mais pour entendre ce que la musique révèle.
Revolver → Sgt. Pepper
“Tomorrow Never Knows” d’une seule note : la pop bascule. Album-concept, peinture du son, poésie de studio.
Les instruments magiques
Harrison : Rickenbacker 360/12 → Gibson SG. Lennon : Epiphone Casino → Telecaster. McCartney : Höfner 500/1 (basse mélodique). Équilibre d’architecture sonore.
« Quand je suis allé à l’école, on m’a demandé ce que je voulais être. J’ai répondu : “Heureux.” » — John Lennon
Let It Be : le chant du cygne
1969 : tensions, puis la simplicité des prises. “Let it be” — qu’il en soit ainsi.
Héritage et renaissance (1970–1980)
La séparation
1970 : dix ans de miracles. Let It Be comme testament. Visages séparés, harmonies liées.
Après 1970 (brefs repères)
Lennon : du cri primal de Plastic Ono Band à la prière d’“Imagine”.
McCartney : Wings, stades, “Maybe I’m Amazed”.
Harrison : All Things Must Pass, “My Sweet Lord”, Concert for Bangladesh.
Ringo : “Photograph”, le cœur qui bat tranquille.
De Oasis à Radiohead, l’onde perdure. Sur YouTube, des millions d’apprentis rejouent “Let It Be”, “Yesterday”, “Here Comes the Sun”.
À noter : les Beatles et Jimi Hendrix n’ont jamais collaboré en studio. McCartney recommande cependant Hendrix au comité du Monterey Pop Festival (1967), lançant sa légende aux États-Unis. Pour approfondir : Jimi Hendrix — portrait.
Jouer les Beatles à la guitare — guide express
1) “Let It Be” (débutant/intermédiaire)
Progression type (Do majeur) : C · G · Am · F (puis C · G · F · C).
Rythme : 4/4 — Down sur 1 & 3, Down-Up souples sur 2 & 4. Commence à 68–72 BPM.
2) “Here Comes the Sun” (capo & fingerpicking)
Capo : 7. Formes en D/G/A “ouvertes”.
Motif main droite : pouce (basse) + index/majeur/annulaire en arpège régulier. Vise 96 BPM puis 120 BPM.
3) “Blackbird” (arpèges & indépendance)
Idée : basse alternée + tierces/sixtes ascendantes. Travaille lentement (60–72 BPM), puis augmente de 4 BPM.
Matériel & son
- Guitares : Rickenbacker 325/360-12, Gretsch Country Gentleman, Epiphone Casino, Fender Tele/Strat, Gibson J-160E, Höfner 500/1 (basse).
- Amps : Vox AC30/AC100 (bases du “chime” britannique), parfois Fender en studio.
- Effets : compression légère, drive modéré, slapback discret selon titres.
- Astuce mix : aigu doux (5–7 kHz), bas médium clair (250–400 Hz), réverbe courte type chambre.
Morceaux conseillés
Frise chronologique
- 1957 — Rencontre Lennon/McCartney à Woolton (Liverpool).
- 1960 — Hambourg, endurance scénique.
- 1962 — EMI / arrivée de Ringo ; Love Me Do.
- 1964 — Ed Sullivan Show. Beatlemania mondiale.
- 1965 — Help!, Rubber Soul.
- 1966 — Fin des tournées ; Revolver.
- 1969 — Rooftop Get Back ; Abbey Road.
- 1970 — Séparation officielle ; sortie de Let It Be.
- 1980 — Assassinat de John Lennon.
Les leçons du Maître
- Sincérité > perfection — Une note vraie vaut mieux qu’un solo parfait. Découvre “Let It Be”
- Le studio comme instrument — Écouter le son respirer. Analyse “Come Together”
- La simplicité comme force — “Yellow Submarine”
- Écosystème de groupe — “Hey Jude”
- Énergie live tardive — “Don’t Let Me Down”
- Lumière mélodique — “Here Comes the Sun”
- Bonus influence — Jimi Hendrix.
À voir absolument
À propos de l’auteur
Yohann Abbou — fondateur de Guitar Social Club, guitariste, compositeur, pédagogue et producteur. Formé à la musicologie et à l’improvisation, il consacre sa vie à rendre la guitare accessible à tous. Sa démarche : relier la technique à l’intention, la précision à la joie. Pour en savoir plus : Yohann Abbou — biographie.